Badre Mahdi est ce que l’on peut appeler un bâtisseur.
Aujourd’hui, agent export dans différents secteurs et notamment dans celui du vin, il commence sa carrière en tant qu’attaché commercial dans les biens de consommation et le luxe au sein des ambassades Françaises (Jordanie, Arabie Saoudites, Corée du Sud, Italie) dans le programme de « Poste d’expansion économique » (business France, aujourd’hui). Sa fonction était d’aider les entreprises françaises à percer dans ces marchés. Fort d’un carnet d’adresse de « beaux importateurs » sur plus de 20 ans, son objectif était dès le départ, d’être un jour agent, non pas en allant chercher la demande, mais en la construisant afin de la réunir avec l'offre. C'est en 1998 qu'il épouse pleinement cette fonction. En 2016, il s'établit en France afin de "vérifier la solidité et la fiabilité de l'offre".
Mais ce ne serait Badre Mahdi si cela s'arrêtait là... Il est depuis quelques temps, responsable du développement international pour Wines and brands (société de négoce basée dans le sud de la France, à Aigues Mortes) qui vient de lancer une collection de vins en partenariat avec le Palais des Papes d'Avignon et qui se nomme la "Collection Clément VI », en honneur à ce pape, « le plus épicurien des souverains pontifes d'Avignon ». Mais j'aurais l'occasion de vous en parler sur ce blog... En attendant, "Mr Madhi" répond à mes 5 questions :
Monsieur Mahdi, qu’est-ce qu’un bon agent ?
Je vais citer un de mes mentors, qui n’est plus de ce monde, Gérard Le Pan De Ligny, qui a écrit "L'entreprise et la vie internationale". Il disait toujours : « Dans la vie on a besoin d’un bon médecin et d’un bon garagiste pour être en bonne santé et rouler sereinement. Ceux sont deux personnes en qui l'on doit avoir confiance ». Et bien un bon agent, c’est quelqu’un qui ne va pas simplement se contenter de vendre et de travailler pour le compte d’un vendeur, mais qui va travailler pour le compte d’un acheteur. Les deux parties doivent être satisfaites pour que le marché dure. L’agent doit gagner la confiance de son acheteur et lui faire comprendre que la marque ou le produit qu’il va acheter est un investissement qui va lui faire gagner de l’argent, qui va être rentable.
Quels sont les clefs pour réussirent à l’export ?
Prendre conscience que vendre du vin, ce n’est pas simplement vendre une boisson. Vendre du vin, c’est quelque chose de noble. On vend un savoir faire, de la gastronomie, une histoire. Le vigneron doit prendre conscience qu’il a entre les mains une marque à vendre. Il doit être capable d’intégrer tous les principes marketings spécifiques à la marque, pour faire que cette marque soit un succès sur la durée.
Quels sont les pièges à éviter pour un vigneron qui voudrait faire de l’export ?
Ce qui est primordial avant de vendre, c’est de déposer sa marque, pas seulement en France mais à l’international. Nombre d’exportateurs se sont vu déposer leur marque, de manière abusive, dans des pays étrangers.
Deuxièmement, bien identifier la « casquette » de l’opérateur qui veut distribuer votre vin dans son pays. Il faut savoir à qui vous avez à faire. Est-ce un importateur ? Un négociant ? Un grossiste ? Quelles marques a t-il dans son portefeuille ?
Troisièmement, la maitrise logistique, la connaissance des incotermes, tout cela est important pour la satisfaction du client final. Si vous ne maîtrisez pas la chaine logistique pour livrer dans les temps alors c’est foutu pour vous…
Les Etats unis, le Brexit, L’export pour le vin français est compliqué. Quel est votre regard ?
Alors je pense que pour les Etats-Unis, même si la taxe imposée par Trump, peut faire peur aux vignerons, ce n’est pas ça qui va réduire la part de marché. Les Américains adorent le vin français et ce sera toujours un marché clé pour les producteurs.
En ce qui concerne le Brexit, il va y avoir un grand chamboulement. Cela va prendre du temps pour que tout cela se mette en place, que cela se réglemente sur le plan douanier. Les droits de douane vont certainement augmenter de 20%. Maintenant, je pense que les structures qui vont être avantagées, ce sera avant tout les filiales qui sont implantées là-bas (LVMH par exemple). Cela se stabilisera pour eux.
Pour les importateurs anglais, ils seront un peu plus perturbés et trouveront le moyen de passer par l’Ecosse ou l’Irlande (qui ne seront pas impactés par le Brexit), il y aura donc un problème de marché parallèle, c’est certain. Ensuite, il va y avoir une augmentation des accords de libre-échange avec les Etats-unis, avec les pays des vins du nouveau monde, le Chili, l’Argentine, l’Australie, les anciens pays du Commonwealth qui vont bénéficier de barrières tarifaires et non tarifaires beaucoup plus souples. Donc il va y avoir sur ce marché, une redistribution des cartes qui ne sera pas à notre avantage.
Quels sont les pays ou les futurs pays à fort potentiel pour l’export des vins français ?
Je profite toujours des salons internationaux pour observer les nouvelles tendances en terme d’arrivage d’importateurs, pour voir d’où ils viennent, et à partir de là, je regarde la macro économie et les barrières tarifaires et non tarifaires, pour voir si ça bouge.
Il faut, je pense, garder un oeil sur tous les pays des Balkans, la Pologne, la Croatie et la République Tchèque notamment. Ceux sont des marchés neufs, mais à mon sens, à fort potentiel.
Il y a un pays, sur lequel je met beaucoup d’espoir et qui est assez étonnant...c'est l'Inde. Proweine 2019 a vu une arrivée massive d’importateurs Indiens. Pour moi, c’est surprenant car les droits de douane sont encore élevés et la production locale de vin a une place importante… mais pourquoi une arrivée massive d’Indiens ? Peut-être que l’Inde prévoit de réduire leurs droits de douane dans les années à venir et si c’est le cas, il y aura très certainement des opportunités pour les Français. Il faut rester à l’affut.
Proweine 2019 a vu aussi des importateurs de Singapour et de Taiwan arriver en force. Singapour, cela ne m’étonne pas, ils profitent de la pagaille qu’il y a actuellement à Hong-Kong pour essayer de leur prendre la place en tant que place de ré-exportation.
Quel est le dernier vin que vous avez dégusté ?
Le dernier qui m’a beaucoup plu, c’est un domaine qui est dans les côtes de Provence et qui s’appelle le Domaine des masques. Leurs rouges m’ont fait une forte impression. Ce domaine est dans un site incroyable à 500 mètres d’altitude au bord de la montagne de la Sainte-Victoire.
Merci.
Et pour terminer, Badre Mahdi dispense des cours de Commerce International dans plusieurs grandes écoles dont le "Kedge Buisness school" de Bordeaux et de Marseille, à "L'Académie internationale des vins en Alsace", à l'Iséma à Avignon et bien sûr à l'Université du vin de Suze-La-Rousse.
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